La transition écologique et sociale passe souvent par des débats techniques, des politiques publiques ou des actions militantes. Pourtant, et si le vrai levier était tout simplement le plaisir de manger ensemble ?
Depuis 27 ans, l’association Les Sens du Goût explore cette piste en Hauts-de-France, en plaçant la sensorialité, la convivialité et l’écoute au cœur de ses actions.
Une approche qui pourrait inspirer les initiatives citoyennes de transition écologique , en montrant comment l’alimentation peut devenir un moteur de changement, à la fois individuel et collectif, sans clivages ni moralisation.
Pourquoi parler de plaisir dans la transition ?
La transition alimentaire est un pilier des projets territoriaux, mais elle se heurte souvent à un défi : comment mobiliser les habitants sans les braquer ?
Les politiques publiques et les discours experts, aussi pertinents soient-ils, peinent parfois à toucher le grand public.
Les Sens du Goût propose une réponse simple : partir du plaisir et du vécu.
- Le plaisir, un guide naturel : Dès la naissance, nous mangeons par plaisir, pour répondre à un besoin. Un bébé sait s’autoréguler, écouter son corps. Pourtant, avec l’âge, nous perdons cette connexion. Se reconnecter au plaisir, c’est se reconnecter à soi et aux autres.
- L’alimentation, un acte intime et culturel : Ce que nous mettons dans notre assiette raconte notre histoire, nos origines, nos valeurs. Imposer un modèle (bio, végétarien, local…) sans tenir compte de ces dimensions, c’est risquer de créer des tensions. La transition ne peut pas être un dogme, mais une aventure partagée.
- La néophobie alimentaire, un frein à la découverte : La peur de l’inconnu est un réflexe humain, surtout face à la nourriture. Dépasser cette peur passe par des expériences positives, conviviales et sans jugement.
« Si on veut que les gens changent leurs habitudes, il faut créer des souvenirs agréables autour des aliments, pas des obligations. » nous explique Antoine Demailly, Coordinateur associatif chez Les Sens Du Goût.
Une méthode en trois piliers : sensoriel, symbolique, nutritionnel
Les Sens du Goût ne parle pas seulement de ce que nous mangeons, mais de comment nous le vivons :
- La dimension sensorielle : Goûter, toucher, sentir… Redécouvrir les aliments avec ses cinq sens, sans a priori.
- La dimension symbolique : Un aliment porte une histoire (territoriale, familiale, culturelle). Manger du maroilles en Avesnois, c’est aussi célébrer son identité.
- La dimension nutritionnelle : Bien sûr, mais jamais de façon isolée. La santé passe par le plaisir, pas par la privation.
Exemple concret : un atelier où l’on découvre le chou romanesco. Plutôt que d’en vanter les vertus nutritionnelles, on propose de l’observer, le sentir, le cuisiner ensemble. Résultat ? Les participants l’adoptent parce qu’ils l’ont associé à un moment joyeux, pas parce qu’on leur a dit que c’était bon pour eux.
Des ateliers pour transformer les territoires
Les Sens du Goût agit sur le terrain avec des formats innovants, reproductibles dans les Hauts-de-France :
Ateliers sensoriels : Découverte d’aliments inconnus, sans pression. Chacun goûte… ou pas. L’important est d’échanger sur ses sensations.
Cuisine commune : Comme à Chaud Bouillon, tiers-lieux lillois où habitants et associations co-créent des repas. Deux programmes phares :
- Chef d’un jour : Un habitant propose un menu (cuisine du monde, lactofermentation, etc.). Une façon de valoriser les savoir-faire locaux et de créer du lien.
- Les Grandes Gamelles : Un collectif improvise des repas avec des invendus. Zéro gaspillage, 100 % convivialité.
Ressources pédagogiques : Le site papille.net offre 150 outils pour animer des ateliers, adaptés principalement aux enfants, mais convient aussi aux adultes.
Pourquoi ça marche ?
- Pas de discours moralisateur : On ne juge pas, on explore.
- L’informel comme levier : En deux heures de cuisine, les barrières tombent. Les participants se tutoient, partagent leurs histoires.
- L’inclusion par la pratique : Que l’on soit éleveur, étudiant, salarié ou retraité, chacun a sa place.
Et demain ? La transition par le goût
Les Sens du Goût prouve que changer le monde peut être gourmand. Voici quelques conseils et actions pour les initiatives citoyennes de transition :
- Sortir des débats clivants (viande vs. végan, bio vs. conventionnel) pour fédérer autour du bien-manger.
- Impliquer tous les publics, y compris ceux qui se sentent exclus des dynamiques écologiques. Tout le monde a des ressources à partager
- Faire de l’alimentation un vecteur de résilience : Circuits courts, savoir-faire locaux, lutte contre le gaspillage… Mais toujours avec plaisir !
En pratique et en co-construction avec Les Sens du Goût
Organiser un « Chef d’un jour » dans votre ville, pour mettre en lumière les cuisines du monde.
Lancer des « Grandes Gamelles » avec les commerces locaux, pour réduire le gaspillage en créant du lien.
Utiliser les outils de papille.net pour animer des ateliers sensoriels.
Pour conclure : La transition ne sera durable que si elle est désirable. En s’appuyant sur le plaisir, la curiosité et la convivialité, Les Sens du Goût montre qu’un autre modèle est possible – un modèle où chacun trouve sa place, sans culpabilité ni exclusion. Et vous, comment imaginez-vous une transition qui donne envie ? Un sujet à creuser… autour d’un bon repas ! 🍽️
Pour aller plus loin :
- Découvrir papille.net (150 ressources pédagogiques).
- Visiter la Cuisine Commune Chaud Bouillant
- Contacter Les Sens du Goût pour co-construire des projets adaptés à votre territoire : tel : +33 3 27 29 22 22/ email : contact@lessensdugout.fr